Au théâtre, elle tenait le rôle d'Anita dans "Warna", pièce majeure de Paul Willems, pendant 50 représentations au TNB.

GerdaHartman-Warna

A Propos de Warna (Extraits du Livret du Théâtre national de Belgique)

Les noms de rues et les noms de lieux sont la mémoire d'un pays. Là il y avait des «herbes potagères », là une « vallée aux loups» et plus loin un étang où se sont noyés des enfants. Les chansons aussi sont une façon de se souvenir. On y dit que les tambours ont battu à Bergen op Zoom ou que Jean de Nivelles avait un chien. De tout cela, pas trace dans nos livres d'histoire. Les livres ne conservent pas le chant et c'est le chant qui fait la légende.
Les chansons se perdent, les noms de rues changent, bientôt nous n'aurons plus que des dates genre 1830 ou 1555.

Pourtant, de temps en temps, par hasard, une porte s'ouvre et le souffle du passé s'engouffre dans la maison, apportant pêle-mêle feuilles mortes, brindilles et cristaux de neige avec l'écho d'une voix plus ancienne que nous-mêmes et qui chante dans le ton que nous aimons. J'ai senti le souffle du passé quand j'ai appris qu'il existe dans certains villages de Flandre une rue de «la neige noire», dont le nom marque le souvenir d'une famine. Quand? Il y a longtemps.

 

Il y avait eu d'abord de longues guerres entre les Impériaux et les Français, guerres suivies de désordres graves. Il y eut ensuite un hiver très rude. Les gens avaient si faim qu'ils ne pouvaient supporter la vue de la neige. Saisis d'éblouissements, ils voyaient le pays couvert d'un immense drap mortuaire qui se tissait flocon noir à flocon noir. On dit qu'à cette époque des bandes de chiens affamés attaquaient les villages et que certaines régions étaient même tout à fait dépeuplées.

Au milieu de l'anarchie, j'imagine un château à I'abri de ses étangs, pourvu de provisions pour plusieurs années, où vit Warna, vieille femme accrochée à un rêve : son amour pour le chevalier Ernevelde.Elle a rencontré Ernevelde vingt-cinq ans plus tôt. Depuis lors tout a changé, Ernevelde a vieilli : gros, repu, suffisant, il n'a plus rien de ce qu'iI était dans sa jeunesse. D'autre part le pays est en ruines. Plus rien ne subsiste du passé, de la jeunesse de Warna, mais elle s'obstine à affirmer que la vie est comme elle veut qu'elle soit. La passion de Warna est un combat avec la réalité, semblable au combat de l'enfant dans un fort de sable contre la marée montante.

P. WILLEMS

    Une nouvelle version de "Warna"

Pour son décor, metteur en scène Henri Ronse s'inspire de la peinture "Abbaye dans un bois de chênes" de Caspar David Friedrich, ... de la vision du poids réel des guerres, de la neige, du froid, de la peste, de la faim, voulu par le metteur en scène comme contrepoint du rêve fou de Warna d'un monde préservé qui échappe au temps, fondé sur le culte des illusions et le mensonge heureux ...

Caspar David Friedrich abbaye-dans-un-bois-de-chene
 Caspar David Friedrich Abbaye dans un bois de chênes
 
 

"Warna au National"

... Il faut dire que l'interprétation est sans la moindre faille, chacun s'imbriquant au tout comme les maillons d'une chaîne. Ils sont parfaits. Et si Marié-Ange Dutheil a une voix dont les vibrations nous violentent au plus intime, si Georges Bossair a le poids dru de la réalité brutale, si Gérard Vivane, Julien Roy, Guy Pion, Catherine Bady, Béatrix Ferauge, Michel Verheyden et Jacques De Bock méritent leur part égale d'éloges,

c'est à Gerda Hartman qu'il convient sans doute de s'arrêter - pour tous les autres - parce qu'elle chante d'une voix haute et mélodieuse étrangement prenante et parce que ... elle parvient à nous émouvoir au plus intime et à nous bouleverser très profondément et durablement.

Monique VERDUSSEN  -  La Libre Belgique

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